L'histoire de Simplet et de Tête de Mule

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Quand vagabondage ne rime pas avec voisinage

Un monsieur, bien gentil et respectueux des lois de la République , vivait sans histoires dans un modeste pavillon de banlieue. Entre sa petite famille et ses oiseaux, le monde lui paraissait si bien réglé que ses nuits n'étaient jamais agitées de cauchemars. Dans la volière du jardinet, ses amis ailés, encore plus heureux que lui, l'accueillaient chaque matin avec des pépiements d'allégresse. Et cet homme, que nous appellerons Simplet, avec sagesse, louait le Ciel de l'avoir fait naître dans un beau pays où le petit citoyen lambda était si bien protégé, et disons même couvé, tout au long de son insignifiante existence. Tout était donc pour le mieux dans le meilleur des mondes et notre homme ne voyait pas pourquoi çà s'arrêterait.

Hélas, c'était compter sans un chat du coin, qui jusque là s'était contenté de quelques menus larcins dans la cuisine et qui commença à s'en prendre aux amis à plume de Simplet. Ce dernier face aux méfaits répétés, s'enquit d'une loi qui interdisait "le vagabondage des animaux domestiques". Sûr de son bon droit, confiant en la justice, il alla donc au commissariat le plus proche, relater les faits à un fonctionnaire condescendant, lui-même propriétaire d'un chat… sans résultat.

Obstiné, à chaque nouvelle victime à plumes, Simplet répéta la démarche. Il porta même plainte plusieurs fois, sous les sourires, voire les sarcasmes, des préposés du poste. A chaque fois, le Procureur de la République classa l'affaire sans suite. On lui conseilla, avec un sourire en coin, de contacter le propriétaire du greffier pour régler le problème entre voisins. Ce qu'il s'empressa d'essayer de faire. A la recherche du propriétaire, le plus souvent, il essuyait moqueries et insultes. Celle qui revenait le plus souvent était qu' "il n'aimait pas les animaux".

Sans résultat aucun et quelques cadavres d'oiseaux plus tard, Simplet s'assit près de sa volière et se mit à réfléchir longuement. Il réalisa qu'avec tout le battage qu'il avait fait, s'il arrivait quoi que ce soit au chat, il serait le premier soupçonné. Affreux retour de bâton, par la force des choses, il décida de devenir le meilleur protecteur de l'assassin à quatre pattes et, dès lors, pria chaque soir pour qu'il ne lui advint aucune désagréable aventure.

Par malchance, près de chez lui vivait un mécréant surnommé "Tête de Mule". Seul point d'humanité, ce dernier possédait, dans une cage minuscule, un canari. Le chat n'en fit qu'une bouchée. Le soir même il était occis par notre homme, avec discrétion et, disons-le, délectation.

Immédiatement "dénoncé", Simplet eut, ce qu'il n'avait jamais pu obtenir auparavant, une enquête de police sur tous ces événements. En raison du manque de preuves, il échappa de justesse à la prison, à une forte amende et à des dédommagements au propriétaire (qui enfin s'était manifesté), ainsi qu'à l'association Pour l'Unification Déterminée des Défenseurs de l'Intérêt Nutritionnel des Greffiers (PUDDING) qui s'était portée partie civile. Blanchi, il devint néanmoins la bête noire du quartier (HI) qui lui tailla, pour le restant de ses jours, une réputation imméritée d'égorgeur de chats.

La morale de l'histoire, si tant est qu'il en faille une, est qu'il vaut mieux la fermer quatre fois de suite que de l'ouvrir ne serait-ce qu'une seule fois… mais heureusement, ce n'était qu'une histoire.